Table-ronde sur l’apprentissage au CFA de Muret – vendredi 6 avril 2018

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Elisabeth Toutut-Picard a organisé le vendredi 6 avril dernier, une table-ronde sur l’apprentissage au CFA de Muret.

Vous trouverez ci-dessous, le compte-rendu de cette table-ronde :

IMPORTANT ! Questions au gouvernement suite à la table ronde :

A l’occasion de la séance des questions au gouvernement de mercredi 11 avril après-midi , Madame la députée a interrogé par écrit les deux ministres Muriel Pénicaud (Ministre du Travail) et Jean-Michel Blanquer (Ministre de l’Education Nationale) sur l’information qui a été donnée au cours de l’atelier sur l’apprentissage, selon laquelle les proviseurs de collèges et de lycées étaient (notamment) évalués et donc rétribués sur le critère du pourcentage d’élèves maintenus ou /et dirigés vers les filières d’enseignement général .

Réponses écrites des ministres :

-M Pénicaud :  » Cette information était exacte jusqu’ici. JM Blanquer vient de lever ce blocage en supprimant ce critère. »

-JM Blanquer :  » C’était vrai, mais nous venons de changer cela. Ce n’est plus un critère d’une part. Et l’apprentissage est présenté désormais au même titre que les autres formations dans le logiciel d’orientation post 3ème Appelnet ».

Personnes présentes :

  • Madame Elisabeth Toutut-Picard : Députée de la 7ème circonscription de la Haute-                Garonne
  • Madame Karine Brun : Assistante parlementaire
  • Monsieur Vincent Aguilera : Président de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat de la                  Haute-Garonne (CMA31)
  • Madame Valérie Lemaire : Secrétaire Générale de la CMA31
  • Madame Muriel Fant-Roux : Directrice de l’Ecole Supérieure des Métiers (ESM) à Muret
  • Monsieur et Madame Le Galo : Artisan boulanger
  • Monsieur Dujon Lombard : Artisan chocolatier
  • Monsieur Manjon : Artisan boucher
  • Monsieur Richart : Agent réparateur Peugeot
  • Monsieur Tournan : Apprenti filière automobile
  • Monsieur Neige-Garrigue : Apprenti filière alimentation
  • Monsieur Rumeau : Formateur prothèse dentaire
  • Monsieur Labetoulle : Responsable Unité Pédagogique Automobile
  • Madame Maral : Coordinatrice pédagogique Automobile
  • Monsieur Livigni : Responsable Unité Pédagogique Alimentation
  • Madame Vogt : Coordinatrice Pédagogique Alimentation

Madame la députée rappelle que cette loi est destinée aux jeunes qui n’ont ni formation ni emploi. Le gouvernement est décidé à consacrer de gros moyens financiers à l’apprentissage et à la formation.
D’entrée, Elisabeth Toutut-Picard détaille le constat établi par la ministre du travail sur le monde de l’apprentissage et expose les 20 mesures que le gouvernement entend mettre en oeuvre dans le cadre de sa réforme.
La parole est ensuite donnée aux différents participants pour que chacun puisse s’exprimer sur la réforme à venir et faire des propositions constructives.

L’orientation :

1/ Concurrence : L’orientation des jeunes est gérée par l’éducation nationale, situation génératrice de difficultés, les proviseurs de collèges étant à la fois juges et parties.

Évalués en fonction du nombre de jeunes envoyés en filière générale, ils sont naturellement poussés à privilégier l’orientation des élèves vers les lycées.

Bien évidemment les jeunes et leurs familles choisissent librement leur orientation mais il va sans dire que le conseiller est en mesure d’influer sur le choix.

Malgré une demande faite dans un courrier soutenu par la rectrice, la chambre de métier n’est que très rarement autorisée à aller présenter les métiers dans les collèges. (5 collèges sur plus de 100 sollicités en Haute-Garonne).

Les jeunes ne connaissent que les métiers de leurs parents ou de leurs proches. Certaines émissions télévisées (Meilleur pâtissier, top chef…) ont permis de sensibiliser les jeunes à certains métiers et ont permis un développement conséquent de ces filières de formation.

Proposition : 1 ou 2 heures par semaine dans le référentiel scolaire, dès le plus jeune âge devraient être consacrées à la préparation de la vie professionnelle. Lors de ces ateliers, une présentation des métiers mais aussi des mises en situation, permettraient de mieux détecter le potentiel des jeunes et de susciter des vocations.

2/ L’image : Dans la population l’apprentissage est considéré comme une solution d’échec d’autant que certains conseillers considèrent eux-mêmes que certaines professions, celles de la boucherie par exemple, ne sont pas des métiers. D’où l’orientation privilégiée vers les filières secondaires.

Témoignage d’un apprenti présent : Découragé par l’image négative de l’apprentissage, en fin de 3ème il a préféré s’orienter vers une filière générale pour se retrouver finalement au chômage avec un bac pro.

À 29 ans, il a repris des études en apprentissage et a aujourd’hui la certitude d’être embauché dès la fin de son cursus. L’apprentissage garantit une employabilité largement supérieure à celle qui résulte d’un bac pro.

Témoignage d’un autre apprenti : À la sortie du collège étant persuadé que l’apprentissage était une voie de garage, il s’est dirigé vers un lycée professionnel (gestion d’entreprise) avant d’atterrir à la fac.

Les études universitaires ne lui convenant pas, il a ensuite essayé de se réorienter mais sans succès. (60% des jeunes en échec à la fac dès la première année, sont totalement décrochés car l’université ne leur propose ni accompagnement ni réorientation d’aucune sorte. Il faut savoir que l’éducation nationale ne s’occupe plus de l’orientation des jeunes étudiants depuis la réforme de l’université qui a conféré à ces établissements une autonomie. Rien n’a été mis en place depuis, au niveau des universités, pour prendre en charge les jeunes décrocheurs.

Remarque sur le dispositif DIMA (dispositif d’initiation aux métiers en alternance) : les jeunes qui pourraient bénéficier de ce dispositif sont envoyés par les collèges vers le lycée plutôt que l’apprentissage. Une baisse significative des bénéficiaires est donc constatée.

Remarque du président de la CMA 31 (Chambre de Métiers et de l’Artisanat) : Suite à la suppression du fond de promotion de l’artisanat, qui va valoriser l’image de l’artisanat ?

La solution est-elle dans des campagnes de promotion, au même titre que l’excellente campagne sur la valorisation des métiers de l’armée, au bénéfice de l’artisanat ?

Réponse de la députée : « l’État est décidé à reprendre la main. Il y avait peut-être un problème de contenu ».

Les limites de l’apprentissage :

Selon le témoignage d’un artisan boulanger : À la suite des remarques du jeune apprenti sur l’employabilité, Monsieur Gallo estime que la filière de l’apprentissage et le bac pro sont complémentaires et non concurrents. Simplement, le bac pro est plus élitiste car il permet aux jeunes d’accéder à des postes d’enseignants à la différence de l’apprentissage.
Pour lui, si le CFA veut conserver son leadership, il lui faudra monter en puissance. Dans la situation actuelle l’apprentissage ne peut déboucher sur un emploi de cadre.

La directrice du l’ESM explique qu’’au sein de son établissement existe le CEMA (Compétences Entrepreneur Métiers de l’Artisanat) accessible sous condition d’avoir le bac ; cette formation permet d’acquérir des compétences managériales et professionnelles.

Le monde artisanal :

Remarque d’un chef d’Entreprise : Beaucoup d’émissions attirent les jeunes vers les métiers de l’artisanat et contribuent à leur redonner une image plus positive (top chef…) mais la réalité est toute autre.

Les gouvernements successifs n’ont pas compris les problématiques des entreprises artisanales.

Malgré leur petite taille, celles-ci sont confrontées aux mêmes contraintes de gestion que les grosses entreprises et il est demandé à l’artisan de disposer des mêmes compétences qu’un grand chef d’entreprises que ce soit, par exemple, en droit ou en finance, d’où l’extrême difficulté pour un jeune aujourd’hui de monter seul sa propre entreprise.

Le programme :

Sont ensuite évoqués les problèmes posés par les CPC (commissions paritaires) au sein desquels les professeurs interviennent pour définir le référentiel des examens et des formations.
Les professeurs sont souvent contraints de composer entre le référentiel Education Nationale (EN) -très rigide- et certains apprentissages qui échappent au référentiel tout en demeurant indispensables à la bonne appréhension de leur métier.

Il résulte de cette situation qu’au moment de l’examen, les étudiants devront avoir appris le programme EN !

Un exemple est mis en avant : dans la filière prothèse dentaire les enseignants se sont éloignés du programme de l’éducation nationale pour dispenser des cours de gestion.

La rémunération des apprentis :

Les apprentis français sont les mieux rémunérés d’Europe ; par exemple, ils sont payés 1000 € chez le boulanger avec un rythme de 3 semaines en entreprise et 1 semaine au CFA, vacances non comprises.

À titre de comparaison, en Allemagne les apprentis sont payés 2,5 fois moins ; ils reçoivent un enseignement de moins bonne qualité, mais disposent d’un choix de métiers en apprentissage 2 fois plus important.

Mesure sur le SMIC :

La question est posée de savoir si une entreprise artisanale acceptera de payer un apprenti qui a plus de 26 ans au SMIC ?

Le gouvernement a voulu aligner la rémunération d’un tel apprenti sur le contrat pro mais le jeune n’étant pas à plein temps dans l’entreprise, cette mesure, totalement dépourvue d’attractivité et considérée comme une erreur, ne peut se traduire que comme un frein à l’embauche….Les participants indiquent d’ailleurs que les entreprises artisanales, qui disposent souvent de peu de moyens, ne peuvent pas accéder aux contrats de professionnalisation qui sont trop coûteux. Les établissements ont le plus grand mal à remplir les sections de contrats pro. Un salaire d’apprenti au SMIC ne fonctionnera pas.

Intervention d’un artisan : il rappelle que l’ancien gouvernement avait prévu une aide de 4000 € pour l’embauche d’un contrat pro, mesure désormais supprimée.

Les Opérateurs de compétence et le financement de la formation :

La réforme prévoit la création d’Opérateurs de compétences qui seront chargés du financement de la formation initiale et continue. Ils devront déterminer un coût national pour chaque diplôme, accompagner et conseiller les entreprises pour tout ce qui concerne la compétence, aussi bien des jeunes qui se tournent vers les métiers mais aussi des adultes en reconversion ainsi que la montée en compétence des salariés. L’accompagnement des chefs d’entreprises dans le développement de leur activité est aussi une montée en compétence de ces chefs d’entreprises.

Vincent Aguillera alerte sur l’importance de l’artisanat et sur le fait qu’aujourd’hui, ce secteur est totalement éclaté entre plusieurs OPCA. Afin de ne pas affaiblir l’artisanat, secteur indispensable à la cohésion sociale dans les villes et les villages mais aussi à l’insertion des jeunes et l’emploi, il propose que tous les métiers de l’artisanat soient regroupés dans un même opérateur de compétence qui serait dédié à l’artisanat. Il propose même d’être plus ambitieux et peut-être de transformer le réseau des chambres de métiers en UN opérateur unique de compétence de l’artisanat, qui serait chargé de l’emploi et de la montée en compétence de tous les acteurs impliqués dans l’artisanat.

Cet opérateur pourrait coordonner l’action de tous les acteurs, comme les organisations professionnelles, les associations mais aussi tous les centres de formation de ce domaine. Il pourrait aussi être organisme certificateur assurant ainsi un niveau de qualité et une cohérence dans l’offre de service non seulement des structures d’accompagnement mais aussi des structures de formation initiale et continue.

Les contrats de professionnalisations :

Les contrats de professionnalisation coûtent trop cher, il est urgent de les rendre plus compétitifs, d’unifier leur fonctionnement et leur coût avec les contrats d’apprentissage.

Néanmoins ces contrats sont intéressants car ils permettent d’obtenir un bac+2.

Les TPE qui embauchent un jeune apprenti n’ont pas les moyens de financer des formations supérieures comme le contrat pro. Pourtant, cela permettrait aux jeunes d’acquérir des connaissances supplémentaires et à l’entreprise de les accompagner.

Les moyens :

Constat : Les établissements souffrent d’un manque criant de moyens financiers. La modernisation des métiers et de la formation nécessitent d’investir massivement dans l’informatique ce qui est impossible faute de financement.

Les centres d’apprentissages se heurtent à des problèmes récurrents pour obtenir des subventions en provenance de la région. Cette dernière laisse à l’organisme gestionnaire, qui n’a pourtant aucun financement en dehors de la taxe d’apprentissage, un important reste à charge tant sur le fonctionnement que sur l’investissement.

Heureusement le CFA de muret est lié à une chambre des métiers et, de ce fait, parvient (difficilement) à financer, sur ses recettes propres, le reste à charge mais les participants déplorent la politique d’une région qui se contente de ne reverser la taxe d’apprentissage qu’au compte-gouttes et pas à la hauteur du besoin.

Proposition pour le financement de l’investissement : La région investissant prioritairement dans les écoles qui lui appartiennent, il est suggéré qu’elle devienne propriétaire de tous les locaux (centre de formation apprentissage lycées…etc.). ceci afin de ne plus générer d’inégalités dans le financement des locaux des centres de formation.

L’encadrement social des jeunes :

Constat : Les apprentis sont jeunes, souvent immatures et certains rencontrent de graves difficultés sociales. Les chefs d’entreprises qui les embauchent deviennent par conséquent des éducateurs ou souvent plus encore des familles de substitution …

Ils assument une responsabilité morale non contractuelle difficile à gérer qui outrepasse les fonctions ordinaires d’un chef d’entreprise.

Propositions :

-Revoir la formation du maître d’apprentissage.
-Donner plus de moyens aux centres de formation pour embaucher des psychologues et des infirmières
-Récompenser les tutorats
-Imposer aux régions une ligne budgétaire destinée à financer l’encadrement social, psychologique et affectif des jeunes. Ou, intégrer cette charge dans le coût formation qui sera défini au niveau national.

Un exemple est mis en avant : en Allemagne, les apprentis disposent de référents qui les
accompagnent et jouent un rôle d’ambassadeurs.

Le transport, l’hébergement, la restauration :

Ces trois domaines sont souvent peu ou pas pris en charge par la Région qui attribue un montant forfaitaire aux jeunes. Cette méthode de financement ne permet pas aux établissements de financer les centres d’hébergement, les services de restauration ou de transport. Pourtant, dans les zones rurales ou difficilement accessibles, avec des jeunes qui sont souvent mineurs, ces services, sont indispensables pour développer l’apprentissage et permettre à tous les jeunes d’y accéder. C’est encore trop souvent l’organisme gestionnaire qui doit financer le reste à charge de ces services indispensables. Il est donc proposé d’intégrer dans le coût de formation qui sera défini au niveau national, ces trois paramètres.

Résumé des propositions :

1 : Evaluation des proviseurs en fonction du nombre d’enfants décrocheurs et non plus
du nombre d’enfants inscrits en filière générale ( cf questions au gouvernement)
2 : Gestion des CIO par une institution totalement neutre.
3 : Association de tous les partenaires dans les CIO (les CFA …)
4 : Proposer un accompagnement à l’orientation aux jeunes décrocheurs universitaire
5 : Ne pas classer les écoles par le taux de réussite aux examens mais par
« l’employabilité » des jeunes issus de ces écoles.
6 : Favoriser les stages en entreprise dans les collèges.
7 : prévoir, dès le plus jeune âge, 1 heure par semaine pour travailler sur le projet
professionnel en présentant tous les métiers par filière et en effectuant des mises en
situation afin de détecter le talent et le potentiel des jeunes et de susciter des
vocations.
8 : Rassurer les familles sur les passerelles qui existent entre l’apprentissage et la filière
générale. Faire en sorte qu’un étudiant puisse à tout moment revenir sur une voie
générale et vice-versa, s’il le souhaite.
9 : Permettre un apprentissage à tout âge, non limité à 30 ans.
10 : Transformer les chambres de métiers en opérateur de compétence de l’artisanat
11 : Contraindre les sociétés qui licencient à verser une contribution destinée à financer
les reconversions par le biais de l’apprentissage. Ne pas hésiter à faire participer le
monde économique aux reconversions professionnelles.
12 : Ne pas demander aux entreprises de rémunérer un jeune apprenti au SMIC ;
l’effet de cette mesure serait terriblement dissuasif !
13 : Moderniser l’image de l’apprentissage, des métiers et du savoir-faire pour attirer
plus de jeunes notamment par des campagnes de communication.
14 : Aider les Entreprises qui, en embauchant des apprentis, participent à la réinsertion
de jeunes parfois en grandes difficultés. Récompenser les tutorats
15 : Laisser les investissements à la région à condition qu’elles deviennent propriétaires
de tous les locaux éducatifs, ceci pour éviter des inégalités de financement entre les
centres de formation.
16 : Renforcer la formation du maître d’apprentissage.
17 : Intégrer dans le coût des formations, qui sera défini au niveau national, les moyens
de répondre au besoin d’encadrement social, psychologique et affectif des jeunes,
en embauchant des psychologues et des infirmières. Intégrer aussi dans ces coûts
les services indispensables que sont le transport, l’hébergement et la restauration.