Article publié le 23.10.2019 sur Le Monde : « Abeilles et pesticides : le Parlement européen recadre la Commission ».

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Sur la question épineuse de la préservation des abeilles et des pollinisateurs, la Commission européenne et les Etats membres doivent revoir leur copie : celle-ci ne « correspond pas aux évolutions les plus récentes des connaissances scientifiques et techniques ».

Mercredi 23 octobre, le Parlement européen a adopté à une écrasante majorité (533 pour, 67 contre et 100 abstentions) une objection à la réforme des principes d’évaluation des risques environnementaux que présentent les produits phytosanitaires. Celle-ci avait été adoptée cet été en comité technique par les Etats membres, sur proposition de Bruxelles.

Cette réforme ignorait l’essentiel des recommandations de l’agence officielle d’expertise de l’Union européenne (UE) – l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) – qui demande, depuis 2013, un renforcement drastique des conditions réglementaires de mesure des risques que les pesticides font peser sur les abeilles domestiques et les insectes pollinisateurs.

« Pas de législation au rabais »

« En nous opposant à des critères d’évaluation bien trop faibles relatifs à la dangerosité des pesticides pour les abeilles, nous avons voulu poser une question simple : sommes-nous sérieux à propos de la protection de l’environnement ? Sommes-nous sérieux à propos de la protection du vivant ? Sommes-nous sérieux avec le Green Deal ?, a déclaré l’eurodéputé français Pascal Canfin (Renew Europe), président de la commission environnement du Parlement, à l’origine de la motion. Le résultat est très clair : nous ne voulons pas d’une législation au rabais pour la protection des abeilles. Nous demandons à la Commission de revoir sa copie, et de nous présenter une législation qui écarte les pesticides les plus dangereux pour les pollinisateurs. »

Pour comprendre, il faut savoir que les tests réglementaires destinés à évaluer les risques des pesticides sur les abeilles – tests préalables à leur autorisation – sont fortement critiqués par la communauté scientifique compétente depuis le début des années 2000.

En 2012, l’EFSA a fait plancher un groupe de chercheurs académiques sur le sujet. Leur avis, publié en mai 2012, était accablant : pas de tests de toxicité chronique sur l’abeille domestique, ni sur les individus adultes, ni sur les larves, pas de prise en compte des modes d’exposition au pesticide autres que le pollen et le nectar (poussières de semis, eau de guttation des plantes), aucun test exigé sur d’autres espèces pollinisatrices importantes (bourdons, abeilles solitaires), non prise en compte des effets des mélanges avec d’autres produits, non prise en compte d’effets synergiques avec les pathogènes communs de l’abeille, tests en plein champ n’évaluant l’effet d’un traitement pesticide que sur un dix-millième de la superficie visitée par une butineuse, etc.

En 2013, l’EFSA a donc établi un document-guide destiné à combler ces lacunes, proposant de nouveaux principes d’évaluation du risque. A une trentaine de reprises, entre 2013 et l’été 2019, cette réforme a été mise à l’ordre du jour des réunions du comité technique européen ad hoc (le Standing Committee on Plants, Animals, Food and Feed, ou Scopaff). Mais la Commission européenne s’est systématiquement heurtée à une majorité d’Etats membres peu désireux d’adopter des méthodes plus strictes d’évaluation du risque.

« Immense soulagement »

En juillet, de guerre lasse, Bruxelles a finalement proposé une refonte partielle des principes d’évaluation, n’incluant que l’estimation de la toxicité aiguë et renvoyant à plus tard l’adoption des autres critères : la Commission européenne a ainsi demandé à l’EFSA de « réviser » ses propositions, et de rendre une version remaniée de son document-guide en juin 2021. Sans attendre cette date, la Commission devra faire de nouvelles propositions de réforme des principes d’évaluation du risque.

Le commissaire européen chargé des questions de santé et de sécurité sanitaire de l’alimentation, le Lituanien Vytenis Andriukaitis, a désapprouvé le vote des parlementaires. Celui-ci, a-t-il déclaré sur Twitter, « n’est hélas pas une bonne nouvelle pour les abeilles »« Non, nous ne baissions pas le niveau de protection, a-t-il poursuivi. Oui, nous avons œuvré, difficilement, pour obtenir le soutien de dix-neuf Etats membres. Nous sommes revenus à la case départ, c’est regrettable. »

Au contraire, les ONG environnementalistes se félicitent de la résolution des parlementaires « Les députés européens ont pris la mesure du scandale qui se joue autour de l’homologation des pesticides, se réjouit Nicolas Laarman, délégué général de l’association Pollinis. L’agrochimie, avec la complicité des Etats membres et de la Commission européenne, essaie de nous priver du seul outil scientifique qui permettrait d’enrayer le déclin des pollinisateurs en Europe. » L’Union nationale de l’apiculture française (UNAF) se félicite également de la motion, évoquant un « immense soulagement ».

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