Examen de 2 propositions de loi en commission des affaires sociales – mercredi 13 février 2019

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Mercredi 13 février, la commission des affaires sociales a examiné deux propositions de loi présentées par le groupe parlementaire la France insoumise.

Le premier texte vise à protéger la population des dangers de la malbouffe. Cette proposition de loi a été déposée par Loïc Prud’homme, qui avait présidé d’avril à septembre dernier, la commission d’enquête sur l’alimentation industrielle, dont Elisabeth Toutut-Picard était vice-présidente. Cette proposition de loi fait suite au rapport de la commission d’enquête, en reprenant certaines de ses pistes de réflexion.

Le phénomène de « malbouffe » se mesure à la persistance ou au développement des maladies chroniques, telles que le diabète (4 millions de personnes concernées), le surpoids (54 % des hommes et 44 % des femmes), l’obésité (17% des adultes), le cancer (150 303 décès en France en 2017, soit une hausse de 15% par rapport à 1980), les maladies cardiovasculaires (hypertension artérielle, hypercholestérolémie, AVC, infarctus du myocarde, etc.) qui représentent la 2ème cause de mortalité en France après le cancer (140 000 morts par an). Les inégalités sociales sont un facteur d’augmentation de ces maladies (21 % des enfants d’ouvriers sont en surpoids ou obèses, contre 8,5 % des enfants de cadres) et les élèves relevant de l’éducation prioritaire sont presque deux fois plus souvent obèses que les autres (7 % contre 4 %).

Ses causes sont liées à la transformation des habitudes alimentaires (l’achat de plats préparés a été multiplié par six en 50 ans), la transformation des pratiques de l’industrie alimentaire (qui conduisent soit à une détérioration de la qualité des aliments, soit à un manque, voire une dissimulation des informations relatives à la composition des produits et à leur qualité), le déséquilibre nutritionnel des aliments transformés (excès de sucre, de sel comme exhausteur de goût, présence d’acides gras, recours à des additifs qui ne sont pas sans dangers), des allégations nutritionnelles trompeuses et l’inscription dans un modèle économique exigeant des techniques de production peu coûteuses (par exemple : utilisation des minerais de viande, dans la fabrication des plats dits « cuisinés ») qui conduisent parfois à des scandales sanitaire (vache folle, poulets à la dioxine, etc.) ;

Afin d’y répondre, la proposition de loi propose l’interdiction, dans la production de denrées alimentaires transformées, des additifs non utilisés dans l’alimentation bio dès le 1er janvier 2020 (article 1), la fixation du taux de sel, sucre et acide gras saturés accepté dans les aliments transformés (article 2), l’interdiction de toute publicité alimentaire auprès des jeunes (article 3) et la dispensation d’une heure de cours par semaine sur la nutrition à l’école primaire et au collège (article 4). Mais ces mesures sont en l’état bien plus coercitives que celles préconisées par la commission d’enquête et, pour certaines, contraires au droit communautaire. Les articles n’ont donc pas été adoptés et seront retravaillés en séance publique demain.

Le second texte, porté par Jean-Luc Mélenchon, visait à interdire le travail détaché en France. Il propose de supprimer les dispositions transposant le régime des travailleurs détachés dans le code du travail, de définir le travail dissimulé et de créer une clause de mieux-disant social au profit des salariés travaillant provisoirement sur le territoire français pour le compte d’une entreprise étrangère.

Un travailleur « détaché » est un salarié envoyé par son employeur dans un autre État membre de l’Union européenne en vue d’y fournir un service à titre temporaire. Le régime de salarié détaché a été défini par la directive européenne 96/71. C’est une application du principe fondamental de l’UE sur la libre circulation des biens et des personnes.  Le salarié détaché est soumis au droit du travail français sur les dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles applicables aux salariés de la même branche d’activité établies en France, mais les salariés relèvent du régime de Sécurité sociale de leur pays d’origine. Depuis 2015, les règles encadrant le détachement ont été renforcées, de même que les sanctions dans le cadre de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. En 2017, on constate une augmentation des salariés détachés de 46%, soit 516 000 salariés détachés. Cette augmentation s’explique essentiellement par la généralisation de la déclaration en ligne et par l’effet dissuasif des sanctions et des contrôles.

Le Conseil européen s’est accordé, en octobre 2017, sur une révision de la directive sur le détachement de travailleurs. Le Parlement européen a adopté cette révision en juin 2018. La révision comporte quatre avancées majeures :

– l’application des règles « à travail égal, salaire égal ». Dès lors, l’ensemble des éléments de salaire prévus par la branche, comme la prime de panier BTP ou la prime de risque devront être versés au salarié détaché. Les dépenses engagées par le salarié dans le cadre de son détachement (transport, hébergement) ne pourront pas être déduites du salaire dû ;

– la limitation de la durée du détachement à 12 mois maximum ;

– ce plafond pourra être relevé de 6 mois, sur décision du pays d’accueil. Après ce délai, le salarié bénéficiera de tous les droits applicables aux salariés nationaux.

– le renforcement de la lutte contre les fraudes. Un salarié devra désormais avoir été affilié à la sécurité sociale de son État d’origine pendant au moins trois mois pour être régulièrement détaché.

Une plateforme européenne de lutte contre le travail non-déclaré permettra par ailleurs de mieux échanger les données entre États afin de mieux identifier les fraudes et les contournements. La création d’une Autorité européenne du travail s’assurera de l’application du droit du travail européen dans les États membres. Elle facilitera les inspections du travail impliquant du personnel d’un autre État et pourra fournir des services administratifs et de traduction. Elle doit être opérationnelle en 2019.

En conséquence, la proposition de loi, qui contrevient à la liberté de circulation des personnes dans l’Union européenne, a été rejetée.